Le Portugal est un pays d'émigration. On estime qu'il y aurait au moins 4 millions de Portugais installés dans le reste du monde. Sans remonter à la Renaissance et à la fièvre de l'or brésilien au XVIII eme esiècle, le début de l'émigration contemporaine date de la seconde moitié du XIXesiècle, époque à laquelle l'Europe entière envoie des hommes vers les Nouveaux Mondes.
Mais au Portugal la révolution industrielle n'éclôt pas, et l'émigration devient un métier et une donnée structurelle de l'économie. Le Brésil, à cause des proximités culturelle et linguistique, est alors la destination privilégiée (1 million de départs); il est suivi par les États-Unis et les autres pays latino-américains. Cette première vague cesse au début des années 1960, mais elle n'aura pas moins servi d'apprentissage; en effet, après un siècle d'exode, les Portugais savent constituer des réseaux de passage et s'organiser en communautés. C'est pourquoi la seconde vague migratoire, en déjouant les interdictions de sortie édictées par le gouvernement de Salazar, conduira plus de 1,5 million d'émigrés vers l'Europe du Nord en quinze ans (1960-1975). La France vient largement en tête des pays d'accueil, avec 1 million de ressortissants (Portugais d'origine).

Les Portugais constituent la plus importante communauté étrangère installée en France; mais, en pourcentage, c'est au Luxembourg qu'ils sont le plus nombreux, car 10% de la population résidant dans le grand-duché viennent du Portugal. Des communautés se sont installées dans tous les pays d'Europe, depuis la Suède jusqu'à l'Italie. Au début des années 1970, le flot des départs a fortement diminué, quand la crise a fermé les frontières. Si de petits contingents continuent à se diriger vers l'Amérique et vers l'Europe, mais aussi, pour des contrats temporaires, vers tous les pays à la recherche de main-d'?uvre semi-qualifiée, notamment les États du golfe Persique, les communautés se stabilisent peu à peu dans les pays d'accueil. Mais cette installation n'exclut pas le maintien de liens durables avec le pays natal: un puissant mouvement associatif structure les communautés (près de 1 000 en France). Si le retour définitif concerne en majorité des travailleurs proches de la retraite (il porterait sur un tiers de ceux qui sont partis), ce sont surtout toutes les formes de va-et-vient qui prévalent.

Les Portugais reviennent pour les vacances, continuent à investir au pays natal, voire à créer des affaires. L'apport de l'épargne des émigrés a représenté jusqu'à 12% du PNB et a sauvé l'économie portugaise après la "révolution des ?illets". Représentant désormais près de 8% du PNB, il est supérieur à la valeur de l'ensemble des productions agricoles. Si le Portugal reste un pays d'émigration, il doit cependant apprendre à gérer l'immigration qui commence à se développer. On estime à 150 000 les étrangers qui se sont installés sur le territoire, des ressortissants de l'ancien empire colonial pour l'essentiel, mais aussi des Brésiliens qui bénéficient de la libre circulation entre les deux pays. Économie L'entrée dans la Communauté européenne, en1986, a coïncidé avec un vigoureux redressement qui a permis au Portugal de rattraper la Grèce; le taux de croissance de l'économie s'est alors élevé à 4,5% par an, en moyenne, jusqu'en1991. Si l'économie, comme dans le reste de l'Europe, s'essouffle actuellement, du moins la récession aura-t-elle été plus tardive (1992) et moins brutale. En conséquence, le taux de chômage officiel n'atteint pas 7% des actifs, même s'il faut prendre ce chiffre avec réserve, à cause de la flexibilité des emplois précaires et de la modicité des allocations de chômage (les prestations par chômeur ne représentent que 27% des rémunérations par emploi salarié) - ce qui place le Portugal au premier rang de la Communauté pour le maintien de l'emploi. Enfin, si le déficit structurel des exportations sur les importations demeure, du moins la part prise par les achats de biens d'équipement (36%) souligne-t-elle l'accroissement des investissements productifs, tandis que la stabilisation du taux de couverture (62%) souligne le dynamisme d'un commerce extérieur où les ventes de produits industriels constituent désormais 82% du total. Le déficit commercial est compensé par le solde positif des flux financiers: recettes du tourisme, transferts de l'épargne des émigrants, investissements étrangers (décuplés dans les années 1990), aide communautaire, qui représente 3,5% du PIB.

En1994, le Portugal a renoué avec une certaine croissance (1%) et le pays attend beaucoup de l'Exposition universelle de1998. Le Portugal a connu, ces dernières années, une mutation décisive; il est considéré aujourd'hui comme un pays à revenu intermédiaire. Mais il reste à vérifier si ce "petit dragon" de la Communauté va réussir son développement en surmontant les contrastes qu'il induit entre les couches sociales et entre les régions enrichies du littoral et celles de l'intérieur, plus engourdies.